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Absence alternée

Pour rendre sa programmation plus accessible et élargir le spectre de ses publics, le Grütli a mis en place cette rentrée non seulement un système de prix-libre, mais également un réseau d’ambassadrices. Majoritairement externes au milieu du théâtre, parfois même issues d’horizons complètement différents, elles suivent la programmation et en parlent autour d’elles.
J’ai la chance d’en faire partie. Loin d’être experte ou même particulièrement à l’aise avec l’écriture et ses codes en ce qui concerne le théâtre, je voudrais cependant exprimer ma gratitude/ reconnaissance pour un travail qui m’a particulièrement plu : le diptyque Sans Grace – Avec Grace de Kayije Kagame & Grace Seri, à l’affiche en octobre dernier.
La performance scénique des deux comédiennes m’a tellement touchée, remuée, questionnée, autant d’un point de vue artistique, esthétique, sensible que politique, qu’il est difficile de trouver les mots justes et surtout à la hauteur pour décrire l’intensité de l’expérience éprouvée.

Au commencement, il y a Grace… enfin, sa voix
Kayije se tient debout, seule, immobile
sa silhouette apparaît lentement, se devine
petit à petit dans la pénombre
impression qu’elle est une hallucination
elle (nous) parle, mais (ses) ces paroles
ne proviennent pas d’elle
elle semble s’être dérobée à son corps
(son) ce regard… où est-elle ?
sa diction, le timbre de sa voix sont addictifs
je suis comme dans un état d’hypnose
suspendue à ses lèvres, qui restituent
les paroles et récits d’autres personnes
personnages qu’on découvre, imagine, on s’attache
son esprit, son charisme semblent
ne plus habiter son corps
ils occupent pourtant la scène entière…
se mêlent à l’aura de Grace
qu’on continue d’entendre, comme une voix off…
vient la révolte des bonnes
la trame sonore comme au cinéma
me fait battre le coeur quand elle vient ponctuer
si parfaitement le jeu/dispositif habile,
subtile, peut-on dire « prestidigitatif » ?

Par son côté hypnotique, Sans Grace me renvoie à mon propre imaginaire, mais me met aussi face à une réalité ; mon imaginaire est finalement très étroit, normé, figé dans les limites de mon vécu, empreint de certains clichés, certaines représentations. Comment l’élargir, varier, transformer mon universel ?
Avec Grace réunit sur scène, éblouissantes, les deux artistes… et bien plus encore.
J’assiste à un rêve, de ces rêves qui convoquent tout ce qu’on a rencontré la veille, de manière disloquée, fantastique, inattendue… un rêve de Kayije peut-être, complètement immergée dans l’univers des textes et leurs personnages, et dont l’esprit en remanierait le déroulement et l’esthétique, inconscient fantaisiste.
Les sublimes costumes-décors de Marvin M’toumo, habillent ce rêve, semblent tout droit sortis d’un monde dystopique merveilleux. Ces fines silhouettes de dentelles, entre personnages discrets et mobilier-vivant, vêtissent et maquillent, ornent la scénographie.
La grandiose robe rouge avec sa large traîne, donne à la détestable Madame un petit côté reine de coeur qui, au lieu d’ordonner « Qu’on lui coupe la tête ! », succombe étranglée, et gît sous sa robe flaque de sang, ensevelie sous la terre et sa barricade de fleurs déchues…
Dans ce grand rêve/second volet, la révolte des bonnes entre en écho avec les rapports de pouvoir dans le milieu du théâtre et ses institutions occidentales, l’univers impitoyable des auditions, n’être qu’un « numéro », être confondue… à fortiori sur la base de critères racistes.
Les deux pièces sont rythmées par le même texte, mais ces paroles – pourtant identiques – incarnées de manière si personnelle par chacune des comédiennes, me projettent dans une autre dimension. Comme un effet de miroir diffracté, la résonance entre de mêmes passages, si différents entre les pièces, me donne une sensation vertigineuse d’être noyée dans l’infini des réalités/identités possibles et parallèles de l’espace-temps.
Pure physique quantique !
Les textes sont recueillis dans une belle édition : Sans Grace (éd. Clinamen), parue en automne 2020. Sa lecture exquise, telle une partition, permet de re-convoquer cet état de semi-conscience onirique, relance l’infini imaginaire, ces figures singulières et attachantes et l’émotion que suscite le passage de la révolte des bonnes…
Merci pour l’émotion, le cliquetis des cuillères en porcelaine et le grain à moudre.

Une « ambassadrice » fervente admiratrice