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Daniel Emery, la tête et les bras

Nous initions dans ce numéro une nouvelle rubrique, celle des portraits, pour faire un peu la lumière sur des personnes qui travaillent ici au Grütli, le plus souvent dans l’ombre et dont on ne connaît pas ou peu le travail.


Daniel Emery est un homme discret et doux, avec qui il fait bon travailler. Toujours très calme, ce buveur de café et grand lecteur est régisseur général et il a rejoint l’équipe fixe en août 2021.
Avant d’intégrer la team de la technique, il avait déjà travaillé au Grütli en tant qu’auxiliaire, mais aussi ailleurs, principalement à l’ADC, au Théâtre St-Gervais et au Vélodrome de Plan-les Ouates.

C’est en 2014 qu’il a commencé à œuvrer dans ce domaine de manière régulière ; avant, ponctuellement et pour gagner un peu d’argent après le collège, un ami qui travaillait au Forum Meyrin cherchait de l’aide et l’a recruté en 2009.
Je n’y connaissais rien,
je suis tombé dedans et j’y suis resté.

La technique dans un théâtre, c’est assez particulier. Une formation existe depuis quelques années pour devenir techniscéniste ; elle regroupe, sur quatre ans, tous les domaines liés à la scène, lumières, son, vidéo et plateau. Mais beaucoup de personnes qui y travaillent ont été formées en faisant, sur le tas ; parfois il suffit d’avoir du goût pour la matière technique, être sérieuse et ne pas avoir deux mains gauches. Si Daniel a croché et a fait de ce job alimentaire son travail régulier, c’est parce que le milieu l’a séduit, même si, à priori, il n’entretenait pas de liens spéciaux avec le théâtre.
Il est tombé dans la marmite parce que la manière de travailler, d’être en relation lui plaît ; les gens qu’il rencontre l’ont formé pour apprendre en faisant ensemble.
On est une petite famille, on s’entraide.

Ses tâches au Grütli sont dirigées vers la technique plateau et la lumière. Son rôle principal est d’accueillir les compagnies qui créent ici, de les suivre pendant les répétitions et d’aider lors des montages de la lumière et de la scénographie. Un travail qui demande de l’écoute, de l’adaptabilité, deux qualités que Daniel porte en lui naturellement.
Bricoleur éclairé, il m’avoue que c’est la construction qui l’attire le plus ; trouver des solutions pour construire une scénographie, ça lui plairait. Dans un souci aussi écologique, de recyclage des matériaux, de réutilisation des éléments.
Il a d’ailleurs créé l’enseigne lumineuse pour la buvette du 2e étage, et ce avec des matériaux recyclés !
Daniel est plutôt un lettreux ; après son collège, il embarque à l’université en faculté de sociologie. Mais pour lui, le monde universitaire est trop un entre-soi, c’est plein d’intellectuels déconnectés de la réalité,
il avait envie d’être plus dans le faire.
Ses choix de lectures vont plutôt sur des essais en sociologie et en anthropologie, pour garder le contact et un regard sur la société ; ses études lui ont permis de gagner des outils pour mieux observer le monde et il porte un intérêt particulier pour les discriminations et les injustices qui sont systémiques.
Nous parlons d’un livre qu’il vient de lire et qui aborde le sujet des sociétés géographiques suisses et de leur influence colonisatrice sur d’autres pays.
Géographie et impérialisme. De la Suisse au Congo, entre exploitation géographique et conquête coloniale de Fabio Rossinelli, éditions Alphil, 2022.
Il retrouve ces intérêts dans certains des spectacles programmés au Grütli, comme dans Tierras del Sud par exemple ; c’est un spectacle-documentaire qui m’a beaucoup parlé, car il amène un regard différent sur le sujet de la colonisation par les grandes entreprises, ou encore Mer plastique qui aborde le sujet
de la pollution par le plastique.
Il me parle encore de La Serveuse, programmé au printemps 2022 et créé par Marie van Berchem et Vanessa Ferreira Vicente : il avait d’ailleurs créé la lumière sur ce spectacle lors de la sortie de résidence pendant GO GO GO 21.
Façon de parler, dit-il modestement quand j’évoque sa création lumière. Il a apprécié l’écriture et le regard sociologique porté sur ces petits métiers pas du tout valorisés, des métiers qui ont l’air faciles, mais qui ne le sont pas ; de leur invisibilisation ou du fait qu’on les prend peu en considération.
Dans ses moments perdus, Daniel travaille le bois, j’essaie, dit-il. Il s’est aménagé un petit atelier dans son studio, un atelier qui prend toute la place et met de la poussière partout.
Il a initié une production de poivriers, il s’est bricolé un petit système pour travailler à la main le bois, récupérant dans les brocantes les mécanismes internes sur de vieux poivriers.
Dans le futur, il souhaiterait continuer à apprendre dans le domaine de la technique générale, en trou- vant des formations, pour s’améliorer dans certains domaines et continuer à avoir une vision globale pour comprendre comment cela fonctionne.
Et aussi, il aimerait avoir un petit terrain, seul ou à plusieurs et cultiver un potager. Pour gagner un peu de sous, développer le travail du bois, faire de la sculpture, des objets décoratifs et, pourquoi pas, créer des meubles.
Daniel est l’homme des petites choses et de l’humilité, de la lenteur pour faire avec minutie ; parce qu’aussi petites que soient ces choses, elles méritent attention et bienveillance, certainement plus que celles qui sont plus visibles ou grandiloquentes.
Il est très souvent présent les soirs de spectacle pour la « permanence technique », c’est-à-dire pour veiller au bon fonctionnement du spectacle et que tout se passe bien pour vous, public. Un rôle de l’ombre, mais très important pour le bon déroulement de la soirée.
Vous le verrez parfois à l’entrée pour vérifier les billets, c’est lui, « l’homme à la casquette » ; toujours discret et souriant, vous pouvez compter sur lui, maintenant que vous le connaissez un peu mieux, pour amener des good vibes. C’est ce que je ressens après cette discussion et de le côtoyer presque quotidiennement au Grütli.

Barbara Giongo