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Et si la COVID était le nouveau DADA ?

Je ne veux pas exagérer, mais par tempérament j’aime aller à l’extrême, bien sûr théâtralement parlant !!
Oui, nous sommes des spécimens en voie d’extinction, de ceux qui vont sur les places publiques en vociférant tout bas :

« il faut être radical, c’est-à-dire défendre becs et ongles nos racines artistiques et dans le cas genevois, le milieu associatif.
C’est la seule manière d’éviter d’être ingurgité·es par la consommation obligatoire ou la communication homologuée, et surtout maintenant par une pensée totalitaire sous prétexte d’urgence sanitaire. »

D A D A
a surgi dans les décombres de la Première Guerre mondiale et maintenant nous avons besoin non pas d’un DADA mais de multiples Dadas afin de préserver nos expériences théâtrales, les souvenirs de tous ces spectacles emmagasinés dans nos cellules… Et donc la question est : quoi faire avec ce flux tendu de nos expériences immatérielles… ? DADA !!
Mais soyons pragmatiques, afin d’arriver à cet état d’esprit, celui de DADA, il faut opérer une sorte d’ex-commun-ication !

Pour la nouvelle ère qui commence, celle de la COVID-19, comme ont voulu l’appeler les nouveaux maitres à penser, nous devons, nous, les travailleureuses des arts vivants, nous immuniser avec notre insatisfaction ! Nous savons qu’au théâtre il n’y a pas une manière de faire unique : le goût est, comme on sait, personnel et indiscutable… Chacun de nous a sûrement connu, entendu, vu, des travaux artistiques qui l’ont hypnotisé·e, des scènes qui l’ont subjugué·e et des acteurices qui nous ont séduits…
Pourquoi ? Parce qu’il y a toujours, et les acteurs connaissent bien ce type d’expérience, quelque chose qui se place « en dehors de la représentation », en dehors des codes et des normes qui régissent une représentation. Sortir de la représentation, c’est chercher l’espace d’un point. Un point de fuite à travers lequel nous, les gens de théâtre, pouvons sortir de l’ordinaire, du quotidien, du social et par conséquent, aussi sortir de toute cette absurde « normativité hygiénique ».

Pour occuper un tel point, on doit impérativement faire abstraction de la communication, de cette communication anxiogène invasive. Dans ce point de fuite, nous pouvons apercevoir que le rôle de consommateur disparait, se volatilise.

Nous ne sommes pas des artistes malgré nous : nous avons choisi et donc nous ne devons pas subir… Enfin… Trop extrême ! Non, DADA !

Et le reste ? Oui, ce qui reste « après » ce bal masqué d’ouvertures et fermetures, des confinements et dé confinements de nos gouvernants.

Eh bien, comme c’est l’habitude dans le monde néolibéral après une grande crise, il y aura sûrement un butin riche à se répartir entre un nombre de privilégiés.

Et les artistes ?
Soyez DADA pour une fois.
Soyez DADA avec ce patrimoine incroyable que vous avez, avec vos fruits interdits, avec une perspective politique et artistique, construisez quelque chose de vraiment nouveau tant dans la manière de produire que dans la manière de résister, mais aussi dans les formes de subvertir non seulement a réalité mais aussi les normes absurdes qui vous imposent.
Soyons DADAs.

Et de toute façon, si « reste » il y a, cela n’aura rien à voir avec le spectacle sordide qu’ils sont en train de nous proposer. N’oublions pas, comme dit Hamlet, the rest is silence.

Le silence que nous construisons va au-delà de toute représentation contrainte. C’est un silence qui nous constitue comme artistes, comme humains et nous ne devons pas nous le laisser enlever par le bruit incessant de la com ! C’est la qualité de ce silence d’avant et d’après la fin de nos spectacles.

DADA est donc différent de la COVID-19.

Et n’oublions pas, nous avons de la ressource en nous qui est bien mieux que de l’espoir ! Et si la COVID veut manger DADA, qu’allons-nous faire ?
Faire contre mauvaise fortune bon coeur ?
Imaginons le futur proche des théâtres : oui, ils finiront par les ouvrir un jour.
Mais serons-nous d’accord de rouvrir les théâtres en acceptant toutes les mesures et contre les mesures barrières, variables selon l’art et la jauge, selon que le public bouge ou est assis ?

Serons-nous prêt·es à accepter toutes les idées diverses et parfois même « farfelues », qui commencent à circuler telles que la demande de certificats de santé, carnet de vaccination, prises de température à la billetterie, tapis désinfectant à dérouler pour le public, construction de sas de sécurité dans les foyers et pourquoi pas, prise de sang ou interdiction au public de plus de 60 ans… et nous pourrions certainement énumérer d’autres délires… ce n’est pas très DADA !

Alors encore DADA !
Oui, l’apparition de la COVID-19 a mis à nu le mythe de l’individu libéral invulnérable que notre société consumériste a construit. Ce mythe d’un individu capable de maitriser tout contexte, de pouvoir poser ses choix d’une manière autonome afin de s’abandonner dans le bras de la performance consumériste.
Mais DADA nous apprend que la substance du réel n’est pas faite seulement par la puissance entrepreneuriale, ni le progrès scientifique, ni les performances de la bourse, ni les réussites des multinationales, ni les percées médiatiques dans le monde du show-biz…
Non, les gens de la scène savent que derrière les néons et la boule à facettes il y a une autre lumière qui donne de la profondeur à une autre réalité…par exemple, les travailleureuses de la santé, celleux qui s’occupent des personnes âgées, mais aussi ces bateaux qui continuent à recueillir les canots de fortune saturés d’hommes et de femmes cherchant une vie meilleure et desquels on ne parle plus, ou tous ces éboueurs qui réveillent les grandes métropoles réduites au silence par la peur… de leur vulnérabilité !… On le voit, DADA est là pour nous dire que le roi est nu, pour dire que la COVID-19 est comme un kaléidoscope qui montre de manière lancinante toustes celleux que la société tenait à l’écart, et qui maintenant sont considéré·es comme indispensables, dans la mesure qu’ielles assurent le lien, la solidarité, le soin, l’entraide ; toutes ces activités, et les artistiques aussi, qui font que l’humain peut continuer à être humain… et DADA est avec eux !

« Merdre » ! Mais on est en 2021 ! »
– crie le père Ubu –
Et il chuchote à l’oreille
de la mère Ubu :
« Le chemin qui conduit à l’enfer
est pavé de bonnes intentions »
– tu reconnais ? Mais oui c’est Willi,
Shakespeare mon contemporain ! »
« Oui, l’enfer dis-tu ? »
– gueule la mère Ubu –
« Mais enfin père Ubu, regarde
tes sujets comme ils vendent leurs
âmes au nom d’une sécurité que
tu ne pourras jamais leur garantir.
Tu es malin père UBU,
Pas bête du tout,
T’es arrivé à leur enfoncer
une sacrée culpabilité, à les rendre
tellement passifs et endormis !
Quel bonimenteur tu fais,
avec ton jargon de scientifique et
« ta pompe à phynance » capable
d’assécher la vie même de tes très
fidèles artistes !
Allez, ils vont finir par se rendre
compte de ta supercherie qui
leur dit que tout ce qui brille c’est
de l’argent !

« Ta gueule mère Ubu !
Ni en 21, ni en 22, ni dans les siècles
à venir, ils ne se rendront compte
que la source de mon pouvoir, c’est
ma tripe !
Laisse-les, ils sont très préoccupés
en pensant à leur pouvoir d’achat…

Mais père Ubu,
Ne soit pas bête
Tes sujets ne vont plus t’aimer,
Tu crois tout contrôler, mais
tu ne vois rien…
Je te dis déjà, c’est mieux que
tu dormes du côté gauche
C’est bien ce que disent les chinois :
dors sur le côté gauche et
ta digestion sera plus aisée,
Il te faut de l’énergie Père Ubu.
Je te vois un peu pâlichon,
tu n’es plus invulnérable !

Gabriel Alvarez
Co-directeur avec Nathalie Tacchella du Galpon, Maison pour le travail des Arts de la scène
www.galpon.ch