Depuis le 19 mars dernier, vous avez accès aux Podcasts du Grütli. C’est une envie qui était dans l’air depuis longtemps. Il y a tou- jours eu le désir de proposer des moments autour de la littérature.
Tout au long de la saison 2018-2019, en collaboration avec Claude Thébert, ont eu lieu dans l’espace dit Le Gueuloir des lectures avec, parfois, la présence des autrices : Camille Toledo, Odile Cornuz, Jérôme Richer, Guillaume Favre. En 2019- 2020, toujours avec Claude Thébert et quelques maisons d’éditions romandes, ont eu lieu 4 soirées pour découvrir l’écriture d’autrices d’aujourd’hui, mais aussi pour danser, s’amuser, se rencontrer… Nous avons accueilli les éditions art&fiction, Zoé, Héros-Limite et Ripopée.
Alors, pourquoi ce glissement vers le podcast ? Rembobinons un peu.
Le podcast est « un mot-valise qui vient de l’anglais, créé par accident en 2004 par un journaliste de la BBC. C’est une contraction entre pod de iPod, le baladeur à succès d’Apple et broadcast qui signifie diffusion. »
Cela fait approximativement une dizaine d’années que la création sonore est ap- parue. Ce nouveau moyen d’expression bouillonnait dans pas mal de marmites mais s’est démocratisé de manière spec- taculaire pour différentes raisons. D’un côté, les médias publics publient leurs contenus sur leur site et cela nous habitue à revenir aux émissions de manière différée. De l’autre, la technologie est plus accessible (de bons enregistreurs plus faciles à utiliser sont moins chers). Enfin, une pandémie est passée par là, empêchant les rencontres publiques et nous poussant dans les bras de cette technologie beaucoup plus légère à réaliser et à diffuser que l’image.
Est-ce utile aussi de rappeler la magie de la radio, de l’écoute ? Le monde va vite mais il est aussi abasourdissant d’images. Absorbées que nous sommes, il semblerait que nous en ayons perdu l’attention. Pour- tant il est bon, il est si bon de se mettre un son dans les oreilles et de laisser son regard fuir, que ce soit dans les feuilles de salade à rincer ou par la fenêtre du train… Se nourrir, se remplir la tête d’autres formats à un autre rythme.
Dans son travail, Carla Demierre cherche à écrire des voix. En tant qu’autrice mais aussi en accompagnant les étudiantes de la HEAD, elle aime entrer dans le texte non par la porte d’entrée (un nom d’autrice, le prestige d’une couverture d’éditrice, une ré- putation, une aura) mais par la fenêtre (aller dans le texte directement, l’écouter, et vivre l’expérience sensible de la littérature).
Le travail sonore autour de la langue fait donc partie de sa démarche littéraire. Alors, quand une collaboration s’est des- sinée avec le Grütli, il a tout de suite été question de rencontrer des artistes pour évoquer leur pratique d’écriture puis d’en faire un podcast. Il y avait une rencontre publique et une trace retravaillée et écou- table en tous temps. Avec la pandémie, les rencontres publiques se sont résumées à celle entre Célia Houdart et Fabienne Radi. Mais la série L’Heure du Thé existe bel et bien, elle est en ligne et il n’y pas d’heure pour s’y plonger !
Dans le premier épisode de Pura Vida, la nouvelle série de podcasts de Carla, on fait une rencontre saisissante avec Georgette. Comme Carla le dit en introduction, Georgette est sa voisine, elle est aussi sa grand-mère. Une femme très attachante de 91 ans, qui vit seule et qui pose un re- gard serein sur sa vie écoulée. Georgette a une pratique d’écriture très régulière, elle écrit le déroulement de ses journées dans un agenda depuis plus de 50 ans. Elle ne laisse jamais passer 3 jours sans avoir écrit. Elle aime composer des phrases mais aussi écrire pour se souvenir et/ou faire de la place dans sa tête. L’écriture comme hygiène de vie en somme.
Pendant toute sa vie, Georgette a été une travailleuse du quotidien, de ce travail invisible et silencieux qui se remarque uniquement s’il n’est pas fait.
Dimanche : j’ai invité aujourd’hui la famille P. La bise souffle il fait très froid. La voiture va bien à nouveau. Nous passons une bonne journée. J’ai fait terrine – mouton – lapin – rampon – ananas frais. Avant de sortir, nous avons débarrassé le living parce que Monsieur T. va venir poser une nouvelle moquette. Retour à Genève vers 20h.
Pour fêter la création de notre plateforme Les Podcasts du Grütli et la sortie de Pura Vida, nous avons reçu Laurie Bellanca et Benjamin Chaval avec leur projet de Lectures électriques. Ce duo bien assorti propose, comme Carla, d’entrer dans les textes à l’aveugle. Une création sonore accompagne un montage de textes choisis pour ce jour précis par Laurie, la présence de Carla, à distance, a accompagné Laurie dans ses choix. Au fur et à mesure de la performance, Laurie prend les livres d’une pile et les pose plus loin, formant une nouvelle pile, organique. Un geste qui se répète, une voix grave, des sons modulés au fur et à mesure, nous avons assisté ce jour-là, ensorcelées, à un rituel psychomagique.
Pour écouter la lecture électrique du 19 mars 2022 : https://soundcloud.com/lectureselectriques
Vous pouvez écouter les podcasts de Carla Demierre sur grutli.ch et sur toutes les plateformes de diffusion de pod- casts possibles et imaginables (ou presque). Faites passer ! Et aussi sur le site internet du grütli.
Le nouveau livre de Carla Demierre est paru en mars 2022 aux éditions HEAD Publishing dans la collection Manifestes : Mrioir, Mioirr
Sortie des prochains épisodes : 5 mai, 2 juillet et 1er octobre 2022.