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Serendipité

Heureuses et un peu abasourdies. C’est en substance ce que nous ressentons après les dernières annonces, nous redonnant notre liberté. Un peu comme si nous avions peur d’y croire vraiment, nous n’avons pas encore débouché le champagne et fêté comme il se doit, mais cela ne saurait tarder ! Après 2 ans, après ce maudit vendredi 13 mars 2020, nous voilà sorties du brouillard. Devoir contrôler vos situations sanitaires à l’entrée a été une tâche très difficile à accepter, nous l’avons fait à contrecœur, car cela allait à l’encontre de nos convictions et de notre vision d’un théâtre ouvert à toutes.

Mais quel soulagement, de pouvoir vous accueillir désormais sans entraves et sans discriminations, de pouvoir enfin travailler sereinement avec les artistes et en équipe. Depuis septembre dernier, il nous semble que la machine n’a fait que s’emballer, tournant à plein régime ; la bête insatiable réclamait encore plus de nourriture et nous l’avons gavée à qui mieux mieux.

Les théâtres annoncent leur saison affichant un nombre inégalé de représentations, des reports reportés, des créations qui rencontrent enfin leur public, des abonnements en veux-tu en voilà, des prix cassés, des soirées doubles ou triples pour bien optimiser vos sorties. Il est sans doute trop tôt pour analyser les conséquences de tout ça…

Allons-nous nous retourner et ne voir qu’un vaste champ de ruines ? Comment les artistes et les compagnies s’en sortent-elles, artistiquement, financièrement, humainement, psychologiquement ? Comment les équipes qui travaillent dans les théâtres s’en sortent-elles ? Psychologiquement, humainement ? Comment les pouvoirs publics ont-ils pu faire face à la montagne de demandes à traiter, comment ont-ils réagit face aux cas particuliers, l’argent a-t-il été équitablement distribué, dans le bon timing, dans la bonne mesure, avec la même parcimonie ?
Et si une artiste a reçu de l’argent, cela lui suffira-t-il pour relever la tête, réussir à nouveau à créer, à penser et à imaginer encore une oeuvre d’art ?

La pandémie a eu sans doute ceci de bon, c’est qu’elle a réussi à réunir les artistes en associations, en faîtières, à accélérer leur réunion et la mise en commun de leurs soucis et problématiques. La masse incroyable d’argent qui a été déversée dans les divers milieux économiques – et la culture est l’un d’eux – ne saura, à notre avis, réparer le mal qui a été fait depuis 2 ans ; il ne pourra combler les manques, guérir les douleurs, faire oublier les burn-outs, les prises de tête, les mauvaises décisions, les mesquineries, les profiteuses en tous genres.

On ne se relève pas de ça comme ça, à grands coups de billets de banques et de promesses financières. Il va falloir du temps et de la patience, de la compréhension et de la bienveillance. Il va falloir vous (re)conquérir, vous, le public, redonner confiance en l’art et en la création. Et vous prouvez encore « qu’être ensemble » est une valeur essentielle à la vie. Toutes des choses que l’argent n’achète pas.

Une enquête menée auprès des artistes et du syndicat, à lire dans ces pages, tente de tracer quelques pistes de réflexions, d’amorcer des solutions ; un état de lieux au moment où la vague retombe et que l’on se retrouve cul nu échouées sur la plage, après être passées à l’essoreuse de la houle, du sable plein les oreilles, le maillot de bain enroulé sur les chevilles.

Et ici au Grütli ? Nous avons essayé de suivre la ligne de conduite que nous nous étions donnée, à savoir payer une fois, puis payer une seconde fois, reporter les créations et les accueils, donner les moyens humains et spatio-temporels pour les reprises, accompagner du mieux possible les doutes, les insatisfactions, les soucis. Nous y sommes arrivées, tant bien que mal, et avons maintenu nos engagements même si les reports ont pris la place – en espaces, temps et argent – d’autres artistes qui auraient pu, potentiellement travailler ici.

Derrière nous, un grand trou noir temporel, après seulement 20 mois d’activité suivis de 2 années de gestion d’un théâtre en temps de pandémie ; devant nous, il nous reste maintenant 28 mois avant la fin du second et dernier mandat. Une perspective raccourcie qui nous donne la niaque et l’envie de tout casser ! De fêter, de parlementer, de débattre, d’écouter les unes et les autres, de repeindre les murs en rose fluo, d’imaginer d’autres possibles, de nouvelles utopies.

Parce que quand on travaille dans un lieu comme celui-ci, il s’agit de créer les conditions propices à la naissance d’une multitude de petites utopies qui, mises bout-à-bout, engendreront quelque chose de plus grand, quelque chose qui débordera les murs de cette maison et se propagera au-delà.

Nous revoilà donc dans le monde d’avant ? Peut-être ou peut-être pas. Quoiqu’il en soit, il nous faut le peindre aux couleurs de l’arc-en-ciel.

Barbara Giongo & Nataly Sugnaux Hernandez