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Sourire avec élégance, mordre, montrer les dents…

Une mise en bouche de la prochaine création de Fanny Brunet et Olivia Csiky Trnka

Il joue avec mon coeur
Il triche avec ma vie
Il dit des mots menteurs
Mais moi je crois tout c’qu’il dit
Mon mec à moi, Patricia Kaas, 1988

Des histoires d’emprise, il s’en raconte dans tellement de chansons emblématiques, mais cela se passe aussi dans la vraie vie, des rapports de force subtils et toxiques, entre homme et femme mais pas seulement, au travail, en famille, dans le couple.

La littérature sur la question est riche, et toutes sont unanimes : il s’agit d’une mécanique très fine et implacable, qui prend l’une au piège de l’autre.

(Re-)lisez plutôt ces chansons !
Fredonnons ensemble…

Cette culture populaire crée des imaginaires qui nous collent à la peau longtemps, dont on met du temps à comprendre qu’on doit absolument s’en défaire. C’est ce projet que Fanny Brunet et Olivia Csiky Trnka nous proposent : observer, démonter ces mécaniques toxiques, mettre à plat cette violence, en rire, en pleurer s’il faut.

Au tout début de ce projet, il y a Fanny qui retombe sur les cahiers qu’elle écrivait il y a 20 ans. Elle était sous l’emprise d’un homme. Cette emprise est-elle vraiment terminée ? Peut-être rêve-t-elle encore de lui aujourd’hui ? Il y a 20 ans, on ne parlait pas de ces mécanismes si explicitement. Aujourd’hui, la parole est de plus en plus libérée et il y a un vocabulaire commun à tout le monde autour de ces questions. Mais accepte-t-on vraiment ce qu’on découvre ?

Avec cette matière, Fanny a eu envie d’en faire un spectacle. Elle a alors proposé à Olivia de mettre en scène ce projet. Elles se connaissent amicalement et dans le travail aussi, elles ont eu l’occasion de collaborer de différentes manières.

Fanny comme Olivia ont commencé par être des comédiennes, avec tout le « cirque » que ça représente, elles me disent : « une comédienne doit susciter le désir pour qu’on ait envie de l’engager ».

Cela parle d’un système (à l’image de la société sans doute) frustrant et pas assez collaboratif. Fanny témoigne « aujourd’hui je me sens prête à cet autre voyage : avoir une idée artistique, la tenir jusqu’au bout, proposer un projet à quelqu’un dont l’esthétique me plaît et démarrer une collaboration d’égale à égale ».

Ainsi, elles écrivent, conçoivent, cherchent improvisent lors d’une résidence de deux semaines. Les deux porteuses de projet ont aussi organisé une récolte de témoignages, directs ou indirects, sous forme de soirée joyeuse. À partir de ce processus, elles construisent un récit éclaté, une constellation de points de vue pour questionner nos rapports conscients et inconscients.

Je peux tout te pardonner
Et faire semblant d’oublier
Je veux bien fermer les yeux
Et faire tout ce que tu veux
Je veux bien te partager
Et même te supplier
Mais reste encore
Faisons l’amour avant de nous dire adieu, Jeane Manson, 1976

Banaliser la violence,
c’est une des ruses de l’emprise.

Dans leur processus de recherche, Fanny Brunet et Olivia Csiky Trnka se sont constituées une base commune de références, d’images, de textes. Elles collaborent avec Mathieu Ziegler, acteur polymorphe qui ne rechigne jamais à jouer le sale type au théâtre comme au cinéma. La complicité entre les deux protagonistes sur scène, Fanny et Mathieu, est très importante pour que l’espace de travail soit sécure.

Sur scène, il n’est pas question forcément de vérité, de montrer des choses réelles. Le travail d’écriture de plateau permet de se distancer de ces témoignages réels, de ces souvenirs intenses.

Ce qu’Olivia en sa qualité de metteuse en scène recherche, c’est un ancrage corporel, l’engagement du corps qui rend le propos plus politique et moins émotionnel. Cela permet de se libérer du souci de montrer le vrai, de décaler le propos. Par exemple, par l’abstraction chorégraphique ou la myriade de personnages secondaires, un peu burlesques, qui racontent l’emprise vue de l’extérieur et comment les signaux étaient déjà là, sans qu’on les remarque.

Le couple sur scène est composé d’une femme et d’un homme. Une situation un peu cliché peut-être ? En tout cas c’est le cas le plus courant, une femme sous emprise d’un homme dans une relation hétérosexuelle (amoureuse, professionnelle ou familiale).

Elles auraient pu choisir une autre situation, mais ce modèle-là cristallise tellement d’imaginaires qu’il est très efficace pour explorer les différentes strates. Le point de gravité du projet est bien ce rapport de violence insidieux et intime. Invoquer les fantômes, constater les failles, trouver une définition judiciable pour que le monde change.

Je n’étais qu’un fou mais par amour
Elle a fait de moi un fou, un fou d’amour
Mon ciel c’était ses yeux, sa bouche
Ma vie c’était son corps, son cœur
Je l’aimais tant que pour la garder je l’ai tuée
Pour qu’un grand amour vive toujours
Il faut qu’il meure, qu’il meure d’amour
Requiem pour un fou, Johnny Hallyday, 1976

L’aliénation est à portée de main. Le postulat sur lequel s’appuie Olivia Csiky Trnka est que la société néolibérale met de plus en plus une pression folle sur les individus. Ces situations d’emprise sont un des résultats de cet individualisme, du narcissisme ambiant, du culte de la performance, de la perte de soi. Peut-être que ces multiples pressions font ressortir des rapports de pouvoir plus violents et une noirceur destructrice.

Laura Sanchez

Montrer les dents est un spectacle de Fanny Brunet et Olivia Csiky Trnka qui aura lieu du 10 au 22 mai 2022.