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Vous avez dit Maison ? – un pas de côté

Faire un pas de côté avec une personne proche du théâtre que nous invitons à écrire sur un sujet de son choix. Changer d’angle, élargir le champ ! Pour ce numéro, carte blanche à Danielle Chaperon, directrice
du Centre d’études théâtrales et professeure de littérature française à l’Université de Lausanne (UNIL), spécialiste des relations entre les sciences et la littérature.


Avez-vous remarqué comme moi, depuis quelques années, que de nombreuses institutions à vocation sociale, culturelle ou scientifique arborent le nom de «Maison» ? Maison Rousseau et Littérature, Maison des littératures, Maison du récit et, plus étranges, Maison de l’Architecture, Maison de la Nature… Voilà un terme qui, depuis la fin du XXe siècle, semblait pourtant bien passé de mode. La maison de la culture des années soixante s’était rangée dans nos imaginaires quelque part entre la maison de famille et la maison de retraite. L’expression fleurait la lavande et la naphtaline, elle faisait fuir (dans la rue, dans les bois, dans les friches industrielles…).
À la fin des années huitante, La Maison des Arts du Grütli avait été, en somme, baptisée à contretemps… On s’empressa d’oublier. Surnoms et diminutifs aidèrent à effacer le patronyme (et les souvenirs
de maison d’école liés au bâtiment). Ce nom pourrait-il aujourd’hui devenir up to date au gré d’un mouvement général de «retour à la maison» ?

À l’heure où nous portons encore les traces de l’expérience de la pandémie, le succès – anecdotique – de la «maison» donne à penser. Il est bien vrai que nous restons désemparées, écartelées encore entre les «je sors» et les «je reste chez moi». Faut-il nous promettre que nous nous sentirons «comme
à la maison», installées confortablement et au chaud, dans les théâtres (dans les cinémas, les bibliothèques ou les musées) ? Ne s’agit-il pas à l’inverse de nous déconfiner le corps, de nous aérer l’âme et l’esprit, de nous confronter «en présentiel» à d’autres manières de bouger et de penser, de sentir et de parler ? À vrai dire, les théâtres sont des maisons très spéciales, ouvertes idéalement à tous les vents, à toute heure, à tous les publics. Simultanément, ils isolent et protègent, abritent des processus de création, protègent des temps de gestation. À ce titre, la fortune de «résidence» redouble actuellement celle de «maison». Et les danseuses, auxquelles les murs et les sols manquent tant pour travailler, frappent aux portes des théâtres…

La nature des théâtres et notre état au sortir de la pandémie s’éclairent ainsi l’une l’autre. Nous nous sommes rendues compte que nous avions besoin de changements, de mouvements, de rencontres nou- velles, mais aussi que nous avions besoin de temps pour préparer les mouvements, développer les chan- gements et faire fructifier les rencontres. Les maisons que sont nos théâtres ne devraient donc pas être seulement des lieux où l’on ne fait que passer, des carrefours de courants d’air. Si nous nous sentons dans les théâtres « comme à la maison », profitons-en pour ralentir le rythme frénétique des tournées
et des productions et pour dompter les fringales de consommation qui nous assignent à nos canapés.

Danielle Chaperon