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C’est pas bientôt fini ?!

Enquête sur la situation des compagnies indépendantes après deux ans de pandémie.

Avec l’apparition du Covid-19, les milieux artistiques et culturels ont été parmi les premiers à ressentir les secousses qui allaient ébranler la société toute entière. Fermeture de salles, inconnue totale sur ce qui allait être possible ensuite, puis ouverture et fermeture et réouverture…Aujourd’hui, deux ans plus tard, ce n’est toujours pas fini. Les compagnies indépendantes de théâtre romandes avancent encore à vue pour boucler leurs budgets et surtout pour se projeter dans le temps, créer, s’inspirer, se mettre ensemble pour faire théâtre. Dans un milieu déjà précaire, la tendance s’est nettement aggravée.

Pour avoir une vue d’ensemble et mieux comprendre les enjeux, je me suis entretenue avec Anne Papilloud, secrétaire syndicale au Syndicat Suisse Romand du Spectacle (SSRS), Fabienne Abramovich, directrice d’Action Intermittence et Jérôme Richer, membre du comité de TIGRE, la faîtière genevoise des producteur.ice.x.s de théâtre indépendant et professionnel.

Les compagnies théâtrales sont des petites PME, parfois très petites : une porteuse de projet s’occupe souvent de l’administration de sa compagnie. Or le travail administratif, c’est un métier. Et la création artistique, un autre. Ces temps agités dûs à la pandémie ont généré une masse de travail administratif extraordinaire : annuler les répétitions, les spectacles, les agender plus tard, puis trouver des salles de répétitions, annuler des tournées et les déplacements des artistes, etc.

Il y avait aussi des décisions à prendre : créer quand même et jouer devant une salle vide ? Stopper net la création en espérant pouvoir la reprendre après ? Après, mais quand ? Et si par chance le spectacle créé en 2020 pourra être repris, il faut recommencer les négociations et se faufiler dans des saisons théâtrales pleines à craquer et chargées d’incertitudes. Un énorme dispositif de soutien a été mis en place. La Confédération a débloqué des fonds exceptionnels pour soutenir les milieux artistiques, fonds confiés aux cantons qui ont fait le travail de répartition et de suivi, en plus d’y ajouter de l’argent cantonal dans une proportion de 50/50.

Pour les compagnies, c’était très précieux évidemment, indispensable. Mais cela a représenté un véritable marathon administratif. Pour obtenir ces fonds d’indemnisation, il fallait remplir de nombreux documents, en fournir beaucoup aussi. Si cela peut sembler normal du point de vue des pouvoirs publics (le canton doit rendre des comptes à la Confédération par exemple), les compagnies se sont souvent épuisées à réunir et à remplir des formulaires le plus souvent pas adaptés aux projets artistiques. Par exemple, certains formulaires générés par l’administration genevoise sont rédigés dans un vocabulaire et dans des termes proches d’un langage de start-up (voir le BIM ! No. 4 Idnicaetur de peromrfnaces).

Pour Fabienne Abramovich d’Action Intermittence : « le temps, c’est de l’argent principalement pour les plus précaires au bout d’une chaîne ! Elles sont d’autant plus fragilisées si les démarches sont trop lourdes et que le soutien tarde à leur parvenir directement ».

Soucieux de ne pas exposer directement d’autres personnes que lui, Jérôme Richer évoque volontiers la situation de sa propre compagnie, la Compagnie des Ombres : une demande d’indemnisation déposée en avril 2020 validée seulement en décembre de la même année. La compagnie a pris sur elle de payer les artistes qui n’ont pas pu travailler au printemps, pour des raisons contractuelles mais aussi par bon sens. « L’annulation du projet a été un énorme coup de massue pour nous, nous devions aller à Montréal pour des représentations de Coeur Minéral, un texte du québécois Martin Bellemare majoritairement interprété par des acteurs d’Afrique de l’Ouest. Les visas étaient prêts, enfin, et le couperet est tombé le lendemain. Nous n’avons pas hésité à payer les gens, mais est-ce que nous allions être indemnisés par les pouvoirs publics pour l’annulation, ce n’était pas clair. »

La compagnie a été très soulagée de recevoir le soutien du canton en décembre, bien sûr. Mais il s’en est passé des mois entre deux… Pourquoi ? Les administrations ont vécu un véritable tsunami, un défi majeur pour des services déjà en sous-effectifs en temps normal. Problème similaire avec la hotline Covid-19 (mise en service par l’Office cantonal de la culture et du sport) qui vous bipait au creux de l’oreille, ligne occupée en permanence.

Une deuxième mesure a été mise en place : les fonds de transformation. Les objectifs de ce fonds via la confédération étaient une réorientation de l’activité des compagnies en grande partie vers le numérique. Mais plus largement pour permettre aux lieux de se réinventer face aux nouvelles contraintes : faire du théâtre sans public dans la salle. Ces fonds proviennent du canton et de la Confédération jusqu’à 80% du budget. Alors, comment compléter ces budgets ? Et quoi faire si on ne trouve pas ces 20% manquants ? Rendre l’argent si on n’a pas pu compléter ? Créer au rabais ?

Pour ces projets de transformation, encore une fois, des formulaires laborieux et truffés de bugs informatiques, puis un suivi problématique, des délais flous et très longs. Cela a découragé plus d’une compagnie…

Voilà donc une manière de précariser les artistes, en voulant les soutenir mais en mettant en place des mécaniques administratives redoutables. Concernant les fonds de transformation, bonne nouvelle malgré tout, ils sont reconduits en 2022. Chez Action Intermittence, dès que le semi-confinement a été décidé en Suisse, un certain 13 mars 2020, on a tout de suite compris qu’il y aurait du pain sur la planche. D’abord, organiser une permanence téléphonique ouverte pendant des mois jusque tard dans la nuit pour informer et accompagner les artistes. Aller vite, s’armer de patience, réunir les membres, ensuite aller convaincre le pouvoir législatif à Berne que le statut de salariée intermittente est très précaire bien qu’il existe depuis 2003 dans le cadre de la Loi sur l’assurance chômage. Autrement dit : avoir un statut ne signifie pas être à l’abri de la précarité. D’autant que les contrats ne pouvaient plus être renouvelés du fait de la pandémie.

Une Taskforce Culture au niveau national a été constituée, composée de faîtières et associations professionnelles, pour agir directement au Parlement fédéral et oeuvrer pour les artistes de manière technique et politique. Action Intermittence a rejoint cette taskforce et son action.

Il y avait beaucoup de confusion avec le statut d’indépendante et celui de salariée (selon le code des obligations du travail). Le travail d’Action Intermittence a consisté à informer, y compris les professionnelles elles-mêmes. Par ailleurs, il n’existe pas de traduction précise du terme « intermittente » en allemand. Le terme utilisé « Freischaffende » signifie « travailleuse libre » et s’apparente plutôt au statut indépendant. C’est un travail considérable et de longue haleine pour que les salariées intermittentes soient reconnues dans le cadre de cette loi d’urgence. Cette étape cruciale a été franchie en mars 2021 lors de l’acceptation au parlement de la modification de la Loi d’urgence Covid-19. Cela n’aurait pas pu aboutir sans une force collective au niveau national et l’implication de certaines parlementaires qui ont œuvré avec persévérance. Bon nombre de responsables politiques ont résisté avec un certain mépris envers cette catégorie de professionnelles de la culture.

Enfin, la question de la précarité des artistes a été posée sur la table des parlementaires et mise au grand jour. Le travail continue pour Action Intermittence avec la grave question de la précarité des artistes au moment de la retraite.

Au Syndicat Suisse Romand du Spectacle, on a pu renseigner les administratrices de compagnies et les artistes sur toutes ces questions juridiques complexes. De plus, l’antenne romande de la Taskforce Culture s’est réunie (virtuellement) une fois par semaine pendant la période la plus intense de la crise pour travailler sur une vision commune. Le syndicat a pu échanger avec des collègues d’autres pays grâce aux faîtières internationales.

Les tendances se ressemblent beaucoup : embouteillages très importants dans les saisons théâtrales et retour timide du public. Par exemple, un spectacle annulé en mars 2021 ne peut être reprogrammé avant juin 2022, voire automne- hiver 2022. Qu’est-ce que cela signifie pour les artistes ? Mettre en stand-by ? Démarrer un nouveau projet ? Mais le proposer à qui ?

De plus, Anne Papilloud évoque les taux de fréquentation des salles qui ont plongé, entre 30 et 50% de perte de public. Il est encore tôt pour comprendre les tendances, les salles viennent de rouvrir avec une fragile perspective de stabilisation.

Toujours selon Anne Papilloud, si le public s’oriente vers des spectacles moins expérimentaux, le risque est que les subventionneuses favorisent un type de création plutôt qu’un autre. Le rôle de la Taskforce Culture au niveau romand est de sensibiliser les pouvoirs publics et autres soutiens à la culture de continuer à soutenir la création au sens large. Par exemple, en considérant que le taux de remplissage n’a pas d’incidence sur les subventions.

Tout cela bien sûr afin de défendre la diversité et la richesse du tissu culturel romand au moment où la sortie de crise approche. Un point extrêmement positif à relever – et à célébrer même ! – : un formidable réseau s’est tissé et solidifié, des faîtières se sont créées, des rencontres régulières entre pouvoirs publics et actrices culturelles ont eu lieu. Cette organisation d’urgence a fait naître des outils indispensables pour le chantier qui arrive : l’après pandémie

Laura Sanchez

La culture coûte cher ? Essayez l’ignorance
Slogan du mouvement La Culture lutte, en 2015

L’intermittence, c’est quoi ?

L’intermittence n’est pas un choix, mais la conséquence d’un secteur économique qui, bien que dynamique, ne comporte pratiquement pas d’emplois à plein temps et à durée indéterminée. Le marché de l’emploi et la situation des intermittentes du spectacle et de l’audiovisuel se caractérisent, en règle générale, par l’absence d’emplois durables et la fragmentation des périodes de travail en de nombreux contrats de courte durée avec des employeuses différentes. Les intermittentes sont engagées avec des CDD. Elles sont salariées et ne sont donc pas des indépendantes. Les productions des entreprises du spectacle sont le plus souvent, et par nature, limitées dans le temps.

Source : site internet d’Action Intermittence